Tor des Géants - ou "The Giants’s Peaks", comme on l‘appelle en anglais, a lieu chaque année en septembre dans les Alpes italiennes, dans la vallée d'Aoste. Cette course estrépertoriée comme l'une des cinq pistes les plus difficiles au monde. La coureuse d’ultra-trail Danoise et l'ambassadrice de Lifefood, Harriet Kjaer, est arrivée en tant que première femme Danoise, et avec 860 autres coureurs, a commencé ce qui pour certains est une course de montagne de 338 km, mais pour d'autres, c'est un voyage vers des dimensions inconnues.
Texte de Harriet Kjaer
Nous savons que seulement la moitié d'entre nous atteindra l'objectif, et comme je me tiens sur le départ un dimanche matin dans la ville montagnarde de Courmayeur, au pied du Mont Blanc, et sur le point de fuir la ville pour monter dans les montagnes, je ne peux m’empêcher de me demander… Est-ce que ce sera moi? Serai-je parmi ceux qui reviendront ici à Courmayeur, le week-end prochain, et de préférence en forme.
PLUS DE CHANCE QUE DE SENS
Pour pouvoir participer au Tor des Géants, il ne suffit pas de simplement s'inscrire. Bien que la course n'ait pas d'exigences spécifiques pour les coureurs à part bien sûr d'être en bonne forme physique et d‘être familier avec les montagnes, tout le monde peut s'inscrire. Mais sur 2200 inscrits, ce ne sont que 860 coureurs «chanceux» qui, quelques mois plus tard, recoivent la bonne nouvelle qu'ils ont été acceptés et ils peuvent maintenant commencer leur entrainement. C'est à chacun d’évaluer le niveau d’entrainement pour une telle course. Cependant, je souhaiterai rajouter que si vous vous entraînez sérieusement, vous aurez plus de chances d‘arriver au but, et de terminer la course dans de bonnes conditions.
CE QUI COMPTE LE PLUS: AVANT ET APRÈS LA LIGNE D‘ARRIVEE
La ligne d‘arrivée pour moi, ce n'est pas la fin de la course, mais plutôt quelques jours après quand je suis de retour sur mon parcours d'entraînement habituel et lorsque je sens que mon corps et ma motivation sont intactes.
L‘entraînement n'est qu'une des nombreuses choses qui doivent être soigneusement préparées. Les vêtements, les chaussures et les autres articles tels que les sacs à dos, les réservoirs d'eau, les crampons pour les chaussures, les lampes, les gants et les bonnets sont également importants. Tout comme l‘entraînement, il est important d’être prêt à résister au froid ou à la pluie, avec un pantalon de pluie et des chaussures boueuses; ou devoir changer les piles de votre lampe frontale pendant la nuit, alors que l'obscurité et la solitude vous entoure lentement ...
Ou peut-être même vital, car lorsque la température oscille entre +20 et -10 degrés, et que vous devez être prêt à enlever et à remettre rapidement vos vêtements pour éviter l‘humidité quand vous atteignez les hauteurs dans le vent glacial.
Parfois, il est déjà trop tard et votre corps s'est tellement «refroidi» qu’il n’y a pas d’autre solution que de prendre un hélicoptère pour se rendre à l’hôpital le plus proche. Ceci est l'une des raisons pour laquelle la plupart des gens doivent quitter leur rêve de terminer la course - à savoir l'hypothermie, légère ou sévère.
"QU'EST CE QUE JE FAIS ICI ?"
Par rapport à certaines des autres courses auxquelles j'ai participé, où je devais être autosuffisante pendant la majeure partie de l'itinéraire, Tor des Géants a l'avantage d'avoir des abris de montagne et des refuges tous les 8 à 15 km environ, avec un itinéraire bien indiqué.
C'est généralement quand on sait qu'il ne reste plus grand-chose avant un repas chaud, un abri du vent froid et même du soleil, que cela peut être difficile pour certains. Mais peut-être ce qui est le plus important c‘est que dans ces abris, nous pouvons trouver des tentes, des refuges de montagne, des bivouacs ou des abris type serre qui ont été amenés spécialement par hélicoptère; vous pouvez vous attendre à rencontrer un médecin seul, assis avec sa tasse de thé, ou un groupe amical de passionnés de montagne, faisant frire des saucisses sur un feu qu'ils partagent avec plaisir, tout en passant un bon moment en dégustant une bière, et en attendant les coureurs fatigués.
Tous ces endroits où vous pouvez trouver exactement ce dont vous avez besoin même pour juste quelques minutes et qui peuvent encourager les coureurs qui sont sur le point d’abondonner; et en conséquence, les maintient en marche avant avec un sourire sur leur visage.
PRENEZ VOTRE ESTOMAC ET AGITEZ-LE PENDANT CENT HEURES, QUE PENSEZ-VOUS QU’IL VA SE PASSER?
Et c'est de cela que l’on parle lorsque l’on planifie le Tor des Géants. Nous sommes là pour expérimenter les forces de la nature, la force physique, l‘endurance, le manque de sommeil, la douleur, les ampoules aux pieds, la toux ou les problèmes digestifs. Mais pour la plupart, le plus grand défi est la force mentale, qui est touchée par tous les problèmes mentionnés ci-dessus, et qui vous fait devenir votre pire ennemi. La première nuit, il était là ... Le manque de force mentale - Ce doute, suspendu qui vous crie: "Qu'est-ce que je fais ici dans les montagnes, avec tous ces hommes et ces femmes, apparemment si rapides, forts et sûrs d'eux. »
Certains coureurs arrivent à la base entourés de tout un groupe de sponsors, d‘assistants, d‘amis et de membres de leur famille, toujours là, jour et nuit, avec des bouteilles d'eau, des chaussettes sèches, des massages et des embrassades. Et puis me voici. Je suis toute seule en route pour un endroit ou je ne suis jamais allée auparavant, avec plus kilomètres que je n'ai jamais fait. En route vers des montagnes inconnues.
LE PLUS GRAND ENNEMI DES COUREURS D’ULTRA-TRAILS: LE DOUTE
Et le doute était mon "fidèle" compagnon jusqu'au kilomètre 106, soit la deuxième base sur un total de 6 bases, où je pouvais obtenir mon kitbag, rempli de vêtements supplémentaires, de chaussures, de la nourriture et d’autres nécessités. J'ai rencontré beaucoup de gens fantastiques pendant cette course, que j'ai parfois suivi pendant quelques minutes, quelques heures ou même quelques jours. Mais même si j'étais seule la plupart du temps, je pouvais quand même sentir clairement la communauté autour de moi; nous étions ensemble dans ce cadre. Une partie de l'élite des coureurs ont terminé la course en moins de 70 heures, mais pour la plupart d’entre nous, amateurs, il n’était pas nécessairement bénéfique de brûler toute notre énergie au début. Et ceux qui le font sont rapidement dépassés par les promeneurs avec des saucisses dans leurs sacs.
Tout le monde doit apprendre à gérer sa propre course, et je pense que pour beaucoup, il vaut mieux la prendre lentement au début. C'est donc à chaque coureur de gérer son temps, que ce soit au début ou que ce soit vers la ligne d'arrivée. Pour la plupart, terminer la course est déjà une victoire, il leur suffit donc de comprendre comment en courant lentement, ils peuvent arriver à franchir la ligne d‘arrivée dans la limite des 150 d'heures autorisées.
Certains courent plus vite, mais mangent plus lentement; d'autres mangent plus vite, mais dorment plus longtemps, etc; ceci signifie que deux fois par jour, vous rencontrez soudainement un coureur que vous avez vu un jour et avec qui vous avez échangé quelques mots comme "Êtes-vous ok?"; ou juste "OK, OK, OK, OK ”s'ils sont Japonais. J'ai commencé plus lentement que le rythme auquel je m'étais entraîné, car je sais par expérience que lorsque j'arrive à un peu plus de la moitié d'une course, peu importe la distance, je peux commencer à me détendre et courir un peu plus vite. Je connais mon corps et mes capacités mentales et je sais quand il suffit de terminer la course. Si je me prépare à courir 1 heure, je viserai 1 heure. Si je me prépare à courir 150 heures environ, je viserai 150 heures.
MON TOR, MON TOR ...
Chaque participant a son propre TOR, son propre voyage, et le mien a commencé à prendre forme au kilomètre numero 225 car je le sentais bien - sauf si j'avais un accident, je pouvais le terminer. Je pouvais sentir que même si je n'avais dormi qu'environ 30 minutes par nuit, j'avais encore de l'énergie, l‘esprit positif et la volonté de l'accomplir.
J'ai commencé à augmenter ma vitesse et à trouver ainsi un rythme qui pouvait certainement me conduire à la ligne d'arrivée tout en ressentant cette énergie spéciale que nous, les coureurs de montagne, ressentons souvent quand tout se passe comme il se doit. Nous nous sentons comme quand nous étions enfants, à courir et jouer dans les bois. Parce qu'il s'agit de s'amuser, même si c'est difficile. je sais que cette pensée positive peut déplacer des montagnes ... Ou du moins me déplacer au-dessus des montagnes. Et cela m'a fait sourire et m'a donné une énergie renouvelée au cours de la dernière nuit quand nous étions en route vers le plus haut sommet. Ceux qui étaient dans les abris nous ont avertis de mettre des crampons sur nos chaussures et de mettre tous les vêtements que nous avions dans notre sac à dos, car il allait faire froid.
Après avoir passé de nombreuses heures sur des pentes enneigées enveloppée d'un vent froid et mordant, et voyant soudain le soleil répandre ses premiers rayons sur le Mont Blanc qui avait caché ses pics enneigés dans l'obscurité de la nuit, il m’etait impossible de retenir mes des larmes de gratitude. Le cadeau que j'ai reçu des montagnes ce matin-là, avec le Mont Blanc vêtu de rose, avec des tons brillants dans le soleil du matin, réchauffant mon corps et mon esprit; c'était assez pour moi. Se rendre à la ligne d‘arrivée, à quelle position et en combien d'heures; ce n'était plus qu'un simple détail. J'avais gagné mon TOR, j'avais gagné les sommets des «géants».
Un bain chaud, un repas et un bon lit attendaient, et cette pensée m'a aide à completer les 20 derniers kilomètres plus rapidement que prévu, et j'ai atteint la ligne d'arrivée après «seulement» 120 heures et 29 minutes, à la place numero 110 et la 11e femme.
Les géants sont les montagnes Mont Cervino, Mont Rosa, Gran Paradiso et Mont Blanc. Ou est ce bien le cas? Au fur et à mesure que la course avançait, il me semblait que c’était nous ... Les géants.
Cela a également été confirmé le vendredi midi, lorsque je suis arrivée à la ligne d’arrivée. Les applaudissement du public et les annonces dans les haut-parleurs qui disaient: “voici un autre géant“ ... UNO ALTRO GIGANTE.
LES TROIS «GÉANTS» DANOIS 2017
• TOM GRUSCHY KNUDSEN
108 heures 46 minutes. Record danois.
• HARRIET KJģR
110 heures et 29 minutes.
Première femme Danoise.
• MICHAEL FICH
128 heures 55 minutes.